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CRABUS
28 février 2006

IV - Février 2006

anim5571

1er Février, mon bras est un peu engourdi,  un peu lourd. J'ai des difficultés avec ma main droite, je suis peu habile de ma  main gauche ; se servir d'un couteau, se brosser les dents, aller aux toilettes, prendre une douche, tout le quotidien est un peu compliqué quand on doit s'abstenir  de sa main droite !

J'ai un drain relié à un petit flacon : je ressemble à une ivrogne qui promène son litron !

J'ai un peu mal au dos car je ne sais comment me positionner dans le lit, entre le bras douloureux, le tuyau du drain, le sciatique qui titille toujours celui-là ! Mais dans l'ensemble, je vais bien.

Mon sein droit présente un petit creux mais très léger.

Le Dr G. passe me voir le matin : il est très optimiste : tout s'est bien passé, il est content car il a réussi à ne pas trop me charcuter et espère même que "Crabus"  a pu être neutralisé à temps, mais attendons les résultats…

J'ai beaucoup de visites et de nombreux appels téléphoniques.

Ma soeur et ma nièce sont descendues de la région parisienne spécialement pour moi, je suis touchée.

Wilfried passe chaque jour.

Une bénévole qui a eu un cancer du sein,  il y a quelques années me rend visite pour m'apporter son soutien. Elle me laisse ses coordonnées ainsi qu'un petit livret relatant les grands traits du cancer du sein et les conseils pour vivre comme avant. Il y a aussi une petite carte à insérer dans mes papiers d'identité mentionnant mon opération et ses contraintes médicales comme "éviter les prises de sang, les piqûres ou la prise de tension artérielle" du bras opéré.

Je ne m'ennuie pas ! Seules les nuits sont longues car je ne parviens pas à dormir (sauf la première nuit où l'anesthésie et les anti-douleurs m'ont ensuquée).

Sur les conseils d'une infirmière de jour, je demande un petit quelque chose pour m'aider à dormir le soir mais l'équipe de nuit refuse : ce ne sont pas des bonbons que l'on distribue !   Na !  A part cette équipe là, le personnel est très gentil.

Je veille deux nuits puis Wilfried me ramène mes précieuses pilules  et je dors un peu mieux !

Je passe des examens dits "de références" pour le suivi  d'évolution du cancer : radio des poumons, échographie du foie, de la rate, du pancréas, des reins, de l'utérus et des ovaires, tout est ok, pas de métastases ni de nouvelles tumeurs en vue ! OUF ! Les analyses biologiques sont très bonnes, le CA 15.3 est à 22,5 (ce sont des marqueurs de références pour le cancer du sein).

Avec l'accord du médecin, je sors le samedi 4 février, car tout va pour le mieux.

Je passe le week-end en famille, le dimanche nous fêtons l'anniversaire de Mamie.

Je vais bien, mon bras m' handicape un peu, je suis un peu fatiguée.

Quand je suis allongée, je mets un coussin sous mon bras , ça me soulage un peu car il me semble moins lourd.

Il y a environ deux ans, j'ai fait la connaissance d'un "guérisseur" qui me soulage en apposant ses mains sur moi : en ce moment, il vient régulièrement  à domicile pour une petite séance. Dans l'ensemble, il me soulage bien et je bouge mieux mon bras après. Il prie pour moi, demande ma guérison au ciel, il est très croyant. Ca ne peut pas me faire de mal !

J'ai réussi à obtenir une aide ménagère deux fois par semaine  par la mutuelle pendant quinze jours.

Ma soeur et ma nièce passent me voir le lundi et le mardi.

Mardi 7 février, elles repartent le soir mais elles sont encore présentes lorsque j'appelle le Dr G. pour les résultats d'analyses.

Une bonne et une mauvaise nouvelle : la bonne, je garde mon sein…………..

La mauvaise, "Crabus" a pondu des œufs qui ont traversé la barrière, c'est-à-dire qu'il a trouvé 4 ganglions envahis sur 14 retirés,  j'ai probablement  des micro métastases qui  se baladent dans mon corps, je dois faire de la chimio.

Je reçois encore une grande claque dans la figure : ce n'est pas possible, pas de la chimio ! Mes cheveux, c'est la seule chose qui me vient à l'esprit, je vais perdre mes cheveux. J'éclate en sanglots. Je pleure jusqu'à ce que ma sœur parte (je ne suis pas sûre qu'elle ait compris mon désarroi par rapport à la perte de mes cheveux qui repousseront alors que j'ai la chance de garder mon sein) et je continue à pleurer seule ………………….un long moment. Wilfried m'emmène  chez le Dr M., mon médecin traitant, j'ai besoin que l'on réponde à mes questions, j'angoisse, je suis anéantie, j'étais tellement sûre que je n'aurais QUE de la radiothérapie !

J'avais fait des projets à court terme, j'avais tout  planifié : radiothérapie pendant cinq semaines, puis une grand fête pour mes cinquante ans, puis croisière en Egypte et la forme pour les fêtes de fin d'année !

J'ai tout FAUX !!!!!!!!!

Je rameute tous mes amis et ma famille en envoyant des mails à qui mieux mieux !

Je contacte d'autres amis par téléphone car  il me faut encore d'autres branches pour me raccrocher !

C'est décidé, je vais me battre contre "Crabus", je matérialise mon cancer par un crabe, avec ses vilaines pattes et ses grosses pinces ! J'utilise l'humour dans mes mails, ça me permet de dédramatiser, pas seulement pour moi, mais pour ceux qui reçoivent mes mails, pour ne pas les mettre trop mal à l'aise, pour qu'ils ne me fuient pas !

Je cherche un tee-shirt en coton (pour la douceur)  qui s'ouvre sur le devant (je ne peux soulever mon bras pour enfiler). Pas trouvé ! Je me suis rabattue sur des chemisiers avec de l'élasthanne pour retrouver un peu de souplesse au niveau des bras.

On ne pense pas aux femmes dans mon cas ! Et pourtant, nous sommes si nombreuses à subir ce malheur !

Le 11 Février, Séverine  converse avec son père au téléphone : il déclare que  ce n'est pas grave ce que j'ai puisque  je n'ai rendez-vous avec le cancérologue que le 2 Mars.

La colère  monte en flèche, je le rappelle aussitôt : je crois que c'est la première fois en trente années que je lui crie dessus, il ne m'a jamais entendu de la sorte. Sur le coup, je tremble de rage, mais quel soulagement après !

Le 14 février, Kiki, notre chat roux, nous quitte, il est atteint du sida, il est mal en point, nous devons l'euthanasier : j'ai peu de réaction comme si je n'étais pas concernée alors que Wilfried est effondré.

Le 15 Février, je suis très mal moralement, le contrecoup sans doute: je me replonge dans mes souvenirs, je ressort une lettre de mon père qui date de 1968, dans laquelle il me dit qu'il m'aime (c'est la seule fois en 49 ans !), je revois des photos de ma jeunesse : je pleure !

Gérard m'appelle,  tout gentil, il a besoin de moi pour une question administrative ! Depuis RIEN……………..je n'ai pas eu le plaisir d'entendre sa voix !!!!

Guillaume me donne peu de nouvelles, je ne l'ai pas vu depuis la clinique. Emilie est passée mais pas lui.

Je lui écris ce que je ressens, tout ce que je ne lui ai pas dit depuis des années, que son indifférence me fait souffrir, que je l'aime.

Il ne me répond pas directement à cette lettre.

Mais, il vient boire un café, deux jours plus tard, ça a marché, il revient vers moi ! C'est un premier pas !

Je reprends mes occupations, courses, ménage, cuisine (je ne fais guère de petits plats mitonnés, je n'en ai ni le courage ni l'envie) mais je fatigue vite et ça m'agace !

Le week-end, Séverine vient et me sort : j'essaie une perruque aux Galeries Lafayette, la démarche est difficle ! Nous faisons les boutiques, je cherche des foulards pour me confectionner des coiffes.

Laurence (une amie ex-collègue de travail) m'accompagne aussi un samedi à Orange. Je rentre crevée mais moralement c'est bon, je VIS !

Je vais avec Wilfried dans un institut spécialisé à Cavaillon pour un essayage de perruques : j'y suis très mal à l'aise. Pourtant le personnel est très gentil, mais il y a un côté salon de coiffure pour les gens "normaux", puis un salon pour les "cancéreux" avec rideaux pour se cacher………je ressens comme un malaise.

Mon moral est en dents de scie, la moindre contrariété me fait plonger, je pleure pour la moindre émotion, mais à l'inverse la moindre petite joie me fait remonter.

Le 23 Février, je passe une scintigraphie à l'hôpital : pas de métastases, OUF !

Cest un simple examen indolore où tout votre squelette est examiné pendant une petite demie heure  par un appareil radiologique qui avance au-dessus du corps après injection d'un produit de contraste.

J'ai bien angoissé les jours précédents : j'ai déjà perdu deux kilos.

J'abreuve toujours mes correspondants de mes mails  pleins d'animations rigolotes.

La plupart me répondent. Certains sont très fidèles, d'autres moins…..

Je reçois aussi beaucoup d'appels téléphoniques : ma soeur est très fidèle.

Ceux de Gérard brillent par leur absence ! Il ne prend guère de mes nouvelles et se contente des appels des enfants qui s'inquiètent de son silence.

Lui qui devait descendre après mon opération a changé d'avis : il a avancé de mauvais prétextes: il fuit la réalité.

Il aurait pu avoir la délicatesse de s'enquérir de nos nouvelles au moins une fois par semaine ne serait-ce que pour soutenir Wilfried qui doit affronter beaucoup de choses surtout sur le plan émotionnel.

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